
J'ouvre ce sujet non pas pour discuter avec vous d'un livre que vous avez lu, mais pour évoquer un livre que vous ne connaissez pas — ne mentez pas, je sais que vous n'avez jamais entendu parler de "Comment je suis devenu super-héros" de Gérald Bronner, publié par Les Contrebandiers Editeurs. Et c'est bien dommage.
C'est ma petite femme qui me l'a offert pour mon anniversaire, en se disant qu'un roman de super-héros ne pourrait que me plaire. Bien vu. Ayant moi-même passé plus d'un an de ma vie sur un manuscrit portant sur ce sujet clairement sous-exploité en littérature, j'ai découvert avec un grand intérêt ce que l'auteur avait osé faire du mythe du super-héros...
L'histoire? Elle repose sur le personnage de Titan, un super-héros new-yorkais certes doté de super-pouvoirs, et pourtant terriblement humain: dépressif depuis que sa femme l'a quitté, obligé de se coltiner l'amitié d'un ancien super-héros devenu impotent, rattrapé par un passé pas forcément glorieux, il est bien loin des héros sans peur et sans reproche qui peuplent nos comics. Qu'est-ce qu'un super-héros? Quelle est sa place dans la société? Voilà les questions qu'il sera amené à se poser lorsqu'il se retrouvera traqué par un mystérieux super-vilain décidé à se débarrasser des surhommes dans son genre.
En mêlant le combat quotidien d'un super-héros au fond du trou et la nécessité de poursuivre sa mission de service public, on se retrouve avec un roman assez sombre, mais régulièrement illuminé de traits d'humour qui font mouche. C'est à la fois un roman d'aventures SF et fondamentalement réaliste: l'auteur, Gérald Bronner, est sociologue, ce qui se ressent au cours de la lecture. Le but ici n'est pas d'assister à un enchaînement de péripéties vides de sens, mais bien d'étudier le phénomène du super-héros en lui offrant un nouvel éclairage "intelligent".
Il s'agit en finalité d'un très bon roman - sinon je ne prendrais pas la peine d'en parler, vous imaginez bien - qui, à mon avis, n'est pas exclusivement réservé aux fans de comics: l'humanité de ces super-héros doit pouvoir toucher n'importe quel public.
Le seul reproche que j'adresserais à "Comment je suis devenu super-héros" tient au nombre assez important de coquilles, un "détail" qui aurait pu rebuter le maniaque des corrections que je suis, si seulement le texte en lui-même n'avait pas été aussi bon. Et c'est cette indulgence - laquelle me surprend moi-même - qui me fait dire, au bout du compte, que ce roman en vaut vraiment la peine.
Voilà malheureusement le genre de publication qui ne se vendra jamais à des milliers d'exemplaires, pour cause de manque de moyens de son éditeur - il ne suffit pas de vouloir posséder de gros moyens de promotion pour les obtenir - et pourtant "Comment je suis devenu super-héros" l'aurait bien mérité.